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Phil Mezcal
Mezcaleros
Interview par Luc Brunot.
Publié dans Bands Of Dixie n°85 (mars - avril 2012)
Phil Mezcal
Semblant surgir de nulle part, Mezcaleros réalise avec « Road To Texas » un premier album bluffant. Nous avons voulu rencontrer son âme, Phil Mezcal ; en savoir d'avantage sur son profil et son itinéraire atypique, indicateur de bouleversements que pourrait amener Internet dans la création musicale. Mais attention, n'allez pas croire que sa musique a la froideur d'un code informatique ; elle est brûlante comme le Sud !
Bonjour,
Tu t'appelles officiellement Philippe Marseille, mais tu te fais appeler Phil Mezcal. Pourquoi ce nom de scène et depuis combien de temps l'utilises-tu ?
Au départ de Mezcaleros, les gens ont commencé à utiliser cette abréviation pour parler de moi, il semble que dire Mezcal est plus court... et voilà...
Quand es-tu né ?
L'année où Fender a sorti son Super Amp Brownface... l'année où est né le blues rock... c'est un signe.
Sur ton site, tu indiques que tu as eu ta première guitare vers quinze ans. Peux-tu nous raconter ta jeunesse musicale ?
Les groupes passaient assez peu à la télé et de toute façon, on n'avait que l'ORTF... donc une seule chaine. Et puis, lors d'une émission de rock, j'ai vu un bout de concert de Rory Gallagher... waow... j'ai dit : c'est ça... mais je ne veux pas regarder, je veux jouer... La guitare est arrivée 15 jours après.
Après 3 accords sur Deep Purple, j'ai vite compris qu'il fallait du son... Alors j'ai emprunté du matos par ci par là et j'ai joué avec des potes dans des caves, quelques bars...
Phil Mezcal
Dans les années quatre-vingt, tu es passé au hard rock. Peux-tu nous parler de cette période ? Quels étaient vos modèles dans ce style ?
Ha oui... le Hard... il faut remettre les choses dans le contexte... cheveux longs, grattes avec des coupes de folie, Marshall empilés sur scène et des fans de partout, c'était un peu mon mai 68 musical... Pour la petite histoire, Steve Clark venait de mourir d'une overdose, les castings et auditions pour le remplacer dans Def Leppard avait lieu à Londres...alors j'ai pris ma flying V et je suis parti pour Londres en passant par Paris, j'ai rencontré quelqu'un à Paris, je ne suis donc jamais arrivé à Londres. C'est toute l'histoire de ma vie... Je pars sur un truc, je rebondi sur un autre et voilà...
Tu dis que tu ne jouais au départ dans ces groupes que de la guitare rythmique. Je suppose donc que ça a changé ensuite ?
Oui, je pense que la rythmique dans un groupe c'est la couleur du groupe, ce sont les premiers riffs que l'on entend... Beaucoup de guitaristes pros me considèrent comme un des meilleurs rythmiques... Il faut dire que j'ai passé des nuits entières à gratter des riffs jusqu'à ce qu'ils soient lourds et percutants, et qu'on puisse les retenir aussi...
Tu as eu visiblement ensuite et musicalement une période de traversée du désert. De quand à quand ?
Le désert pour moi a été long de 15 ans... J'ai habité en Floride et il y avait trop de choses à faire en dehors de la musique... tu vois ? Et puis, j'étais parti sans guitares... Une traversée m'a emmené en Californie à San Diego et là, pareil... pas de musique, moto et balades... J'écoutais beaucoup de musique mais n'en jouais plus...
Pour quelles raisons ?
N'ayant plus de pied-à-terre en France, mes grattes étaient chez un copain. Je suis parti les mains dans les poches, seul... aux USA.
Que faisais-tu ?
Tout sauf de la musique...
Tu as dû voir quand même quelques concerts là-bas ? Certains t'ont-ils marqués ?
Oui, ZZ, Ty Curtis, et tout un tas de groupes de Nashville ou du Texas. Des gars qui jouent au feeling, et bien, il y en a des tonnes là-bas...
J'ai vu Ty Curtis à Chicago, ça m'a plu...
Depuis quand es-tu de retour musicalement ?
Début 2011... en fait, j'avais commencé à composer deux ou trois trucs et j'avais surtout des idées en tête de choses et de mélodies que je voulais entendre... et puis, tout a été très vite...
Pourquoi ce retour et comment s'est-il produit ?
J'ai toujours eu la musique qui résonnait dans ma tête... je ne jouais plus c'est tout, alors quand le démon s'est réveillé... ce sont des tas de morceaux qui sont arrivés, comme ça, tous seuls, je composais un morceau tous les deux jours... chant, basse, batterie, et toutes les guitares.
Tu écris sur ton site « je me suis aménagé un "home-studio" ... Dès lors, j'ai recommencé à composer... en ayant eu le temps, pendant des années, de digérer le style des musiques que j'aime depuis toujours. Et puis, j'ai m'habituer à Internet (...) Alors, j'ai mis quelques morceaux en ligne ...des fans sont arrivés de partout et contre toute attente de ma part, on m'a attribué des prix virtuels pour des chansons que j'avais composé. » Peux-tu nous parler plus en détail de tout ceci ?
Ma vie a toujours été faite de rebonds... J'ai joué dans des groupes, puis arrêté... en 2010, je sortais d'une longue période de silence musical. En fait, j'ai très peu joué, en privé le plus souvent, ou dans des magasins de musique en faisant des jams... une autre fois, à Disney chez Billy Bob avec un groupe de country rock ... rien de plus. Et l'envie est revenue... Alors j'ai investi... dans un home studio. Mixant Marshall et sons modélisés, j'ai fini par trouver une signature qui me convienne et puis j'ai cherché un chanteur... mais je vous en parlerai plus bas... J'ai été sur quelques sites de musique et j'ai uploadé mes titres... sans chant. Les internautes ont montré beaucoup d'envie d'en écouter plus mais il me fallait un chanteur... que je ne trouvais pas. Les titres étaient soumis aux votes du public et à ceux du comité de rédaction et là, surprise, j'ai obtenu 3 fois le « médiator d'or » en 5 mois... Les internautes musiciens ont élu 3 de mes chansons comme étant les meilleures des sites de créateurs de musique.
Phil Mezcal
Tu indiques que ton projet de CD a été financé par les internautes. Raconte-nous ça !
Cela s'est inscrit à la suite de ce que je disais juste précédemment... Un ami m'a dit « pourquoi ne mets-tu pas ta musique sur des sites où les gens peuvent participer financièrement à ton projet ? » Alors j'ai chargé deux titres sur une plateforme participative... et un internaute, fan de ce style, m'a aiguillé pour que je puisse avoir les deniers nécessaires pour enregistrer un CD... Il m'a indiqué un site, j'ai proposé mon projet, ils ont accepté sans trop y croire et j'ai pu récolter l'argent en 2 mois. Des fans, des amis, des inconnus ont déposé quelques dizaines d'euros et c'était parti...
Tu as toute une communauté avec toi qui t'aides pour le CD. Comment est-ce organisé ?
J'ai créé une page sur Facebook (une page « artiste ») et certain(e)s se sont montrés très actifs dès le début, publiant un peu partout dans le monde des articles sur ma musique et sur moi... Le groupe a gonflé assez vite et, à la sortie du CD, ils ont fait de la pub dans leur pays respectif... Norvège, USA, Allemagne, Suisse, France, Russie, UK, bref... partout... La semaine passée, j'ai même vendu des CD en Azerbaïdjan et en Israel... c'est dire ! Je précise que ces gens sont tous bénévoles et font cela par simple motivation personnelle... Ils sont convaincus que Mezcaleros est un futur grand groupe... Je vous avoue être souvent étonné de cela... (mais cela n'est pas pour me déplaire... hahaha)...
Depuis quand chantes-tu ?
Depuis que j'ai renoncé à trouver un chanteur...
J'ai d'abord fait un test et les auditeurs ont eu l'air d'apprécier, particulièrement les Américains (je dois certainement avoir un accent franglais)... Depuis lors, j'ai pris de l'assurance... L'enregistrement du CD m'a fait beaucoup de bien aussi. Je prends confiance... C'est mieux. J'écris mes textes donc je suis motivé pour les chanter. En tant que guitariste, on a moins l'impression que la voix est un instrument à part entière, quand on chante, c'est très différent...
Tu as l'air de beaucoup composer et enregistrer ?
Oui, en effet, j'ai beaucoup d'idées et je les traduis très vite sur le manche de ma guitare. Je laisse quelquefois les choses venir d'elles-mêmes et ça se passe comme ça... sans effort...
Fais-tu aussi quelques covers ?
J'en ai fait quelques unes qui me tenaient à coeur... « Call Me The Breeze » en est une que l'on peut écouter sur mon site...
Tes principales influences sont je crois ZZ Top, Eric Sardinas, Rose Tattoo, Stevie Ray Vaughan, Mark Knopfler et Dire Straits ? Que retrouve-t-on de chacun d'eux dans ta musique ?
Ah... bonne question qui n'amène pas vraiment de réponse, une influence se fond dans le style général et on entend des choses des uns et des autres par ci, par là mais rien de caricatural musicalement parlant... comme son nom l'indique : influence....
Celle de ZZ Top semble dominante, non ?
Elle l'est. J'aime les notes saturées qui dégoulinent, un tempo bien en place, une voix un peu rauque, un rouleau compresseur basse batterie qui file à toute allure, des gammes de blues et un show réglé au millimètre... Alors oui, la principale influence est ZZ...
Pour certains, le vrai ZZ Top, ce n'est que le ZZ Top des seventies et ils font fi de sa production ultérieure, à partir de « Eliminator ». Quel est ton sentiment à cet égard ?
BF Gibbons reste BF Gibbons... Il a toujours joué de la même manière. Mais il est vrai que dans les 70's, c'était vraiment roots et pur dans le style, c'était nouveau aussi. Quand on en parle, on est tous nostalgiques mais le ZZ d'après est fort aussi, même si je ne suis pas fan des claviers et des mises en scènes musicales des intros de morceaux...
Mezcaleros - Road To Texas
Tu étais accompagné sur ton disque, « Road To Texas », par Yvan Ackermann (batterie) et Michel "Mitch" Sanchez (basse). Tu les avais recrutés juste pour l'enregistrement ?
Oui, Yvan est un musicien qui fait beaucoup de scène, le blues rock n'est pas vraiment sa came, mais c'est un gars qui est à l'écoute... quant à Mitch, c'est une machine de guerre, une vraie loco, il bosse les morceaux comme une brute et après il te les restitue comme si il les avait joués pendant vingt ans... Très propre et très rythmé... Ces deux musiciens n'étaient là que pour le studio, la scène se fera avec d'autres...
Peux-tu nous parler des sessions d'enregistrements ? Comment avez-vous procédé ? Combien de temps cela a-t-il pris ?
Un mois et une semaine... plus quelques jours supplémentaires pour le mastering avec Jonaz chez Universal. On a décidé de faire basse batterie... puis la rythmique, le dobro, les solos, les guitares acoustiques et puis le chant... On a fini par l'harmonica et les choeurs... On s'est regardé à travers les caissons pendant 5 semaines... Je t'avoue que je préfère la scène... J'ai voulu laisser des sons « pas très propres » sur le CD car le blues rock n'est pas une musique aseptisée ! En studio, j'ai passé une grande partie du temps avec ma gratte sur les genoux à jouer des tas de trucs pour voir si ça collait dans les chansons... J'ai amené quelques changements à cette occasion d'ailleurs... Ensuite, je suis parti chez Universal avec les bandes de mixage et on a dynamisé le total... Je suis assez content du résultat. Mais... pour le prochain CD, je ferai avec d'autres ingénieurs du son, car le blues rock, il faut être spécialisé pour bien le fixer sur un CD...
Le titre de l'album, c'est « Road To Texas » et on lit à son propose sur ton site « on part de Floride, on traverse le bayou (Cajun river) on atteint Albuquerque (Hasta la vista), le nouveau Mexique (Eldorado) et on termine à la frontière Mexicaine après s'être arrêté au Texas ». C'était une volonté dès le départ de proposer ce voyage ou est-ce que tu t'es rendu compte après coup que tu l'avais fait ?
Le Texas, j'y ai passé du temps... beaucoup de temps... c'est là-bas que je me plais... Le titre est venu de lui-même. Pour le voyage, c'est un fait du hasard... car j'ai écris sans vouloir de cohésion particulière entre les titres ou chercher un thème. Mes influences ont parlé pour moi ; un peu de dobro... un peu de guitare espagnole ; un gros son... voilà ce que j'ai en permanence dans la tête...
Quelle est la réaction à l'album, artistiquement et commercialement ?
Artistiquement, je suis salué par les Américains qui me disent beaucoup aimer ce CD... Mais je suis toujours étonné de lire que les gens aiment à ce point (sans flatterie bien entendu)... ils chantent les refrains dans leur voiture le matin en allant au boulot sur les routes de Floride, du Mississipi ou d'ailleurs... ça me plait.
Commercialement, ça se vend bien. Je pourrais t'en dire plus après le lancement Fnac et Virgin le 27 février prochain.
Le vends-tu aussi à l'étranger ?
700 exemplaires de vendus, USA, UK, Allemagne, France, Suisse, Belgique, Danemark, Norvège, Israel, Russie, Finlande, Suède, Espagne... Incroyable... Le tout par mon site et hors circuit de distribution classique.
Phil Mezcal
As-tu déjà en projet un nouvel opus ?
Yes... Il s'appellera « Tombstone » probablement...
Pour quand est-ce programmé ?
Ce n'est pas programmé... J'ai beaucoup travaillé sur ce nouveau CD, que je veux plus « roots » avec des guitares toujours aussi coupantes mais ma voix s'étant bien améliorée, j'attends de sentir le moment... Et puis, j'ai d'autres « compos » en cours... de bons morceaux... On m'a proposé « Guitares en scène » le 29 juillet avec ZZ Top... J'aurais peut-être l'occasion d'y jouer ces nouveaux morceaux... (Attention, c'est un scoop, je suis en discussion du contrat)
Dans la continuité du premier ?
Oui et non... Oui dans le sens de l'esprit, non dans le sens du son... Je souhaite travailler avec d'autres ingénieurs du son, des spécialistes du blues rock, qui ne font que ça du matin au soir...
J'en ai déjà trouvé un... Un américain qui vit à Paris.
Ceci dit, si je dois, pour des raisons techniques ou de feeling, aller enregistrer aux States, j'irai.
Je crois que tu as embauché maintenant des musiciens américains ? Comment les as-tu rencontrés ? Pourquoi des américains ?
Ca, c'est un secret, ce sont des gens magiques, qui aiment beaucoup ma musique, sur les trois, deux sont des USA, le dernier est un guitariste français...
Pour jouer du Blues Rock, il faut sentir les choses et avoir vécu un minimum de galère... c'est leur cas...
Pourquoi un second guitariste ?
Parce que sur certains morceaux, il faut du dobro simultanément à la guitare solo et parce qu'en stéréo, le son est meilleur et complémentaire.
Le son live est un élément extrêmement important... ZZ l'a compris. Ce n'est pas le volume qui compte mais la qualité... Alors si on a les deux...
Aimerais-tu avoir un clavier, voire d'autres instrumentistes dans le groupe, des cuivres, etc. ?
Je ne sais pas d'avance. Un harmoniciste pourquoi pas mais le blues rock, c'est une gratte et basse / batterie...
Phil Mezcal
Et si tu rencontrais maintenant un chanteur ?
Ah... Au début, je n'étais pas sûur de ma voix...je suis un guitariste qui chante et pas l'inverse... alors après un temps de rodage, j'ai pris de l'assurance et maintenant je suis à l'aise, 50% des CD vendus l'ont été aux States ! Les USA adorent mon accent French Cajun... Donc, je ne peux pas répondre à ta question.
La musique c'est une affaire de feeling... Il faudrait un gars qui me séduise par sa voix, sa dégaine et son background... c'est pas gagné...
Question concerts, il se passe quoi ?
Coté concert, je travaille sur une tournée estivale en Europe avec des gens qui savent faire. J'en saurais plus dans quelques temps...
Vis-tu de ta musique ?
Non, pas encore, en tout cas, pas à ce jour... Une élite seulement vit de sa musique. Concerts à gogos et CD à la sortie des concerts... No other way !
Le drapeau sudiste s'affiche - notamment sur le site de Mezcaleros - alors que la musique est très blues rock à la ZZ Top. Pourquoi cet affichage ? ZZ Top, c'est pour toi du rock sudiste ?
ZZ est du Texas, et cet État est au Sud...
D'autre part, je me sens à l'aise dans cette expression de liberté musicale sudiste.
A chaque fois que j'ai trainé au Sud des US, ça a été la même chose... un sentiment que je ne ressens pas ailleurs.
ZZ, c'est du blues rock sudiste mais plus blues rock que sudiste... alors que les groupes comme Van Zant , Molly ou les autres sont plus sudistes que blues rock... les premiers ont choisi les gammes pentatoniques, les seconds les harmonies... J'aime les deux... D'où le style et le drapeau...
Comment définirais-tu d'ailleurs le rock sudiste ?
Des harmonies plein les guitares, des solos en tierce, des voix hautes en couleur et des solos à n'en plus finir...Un peu de rock, un peu de blues, un peu de country...Un véritable carrefour de styles sudistes...c'est ça pour moi le rock du Sud.
Quels sont tes disques favoris de rock sudiste ?
Je n'en n'ai pas. En revanche, il existe des groupes que j'aime bien écouter souvent : Blackfoot, Molly Hatchet, Black Oak Arkansas, Van Zant, Judge Parker par exemple...
Toi qui a vécu là bas, dans le Sud, aurais-tu quelques groupes méconnus à nous conseiller ?
Méconnus ? Dans le Sud ? Personne n'est méconnu dans le Sud, les gens aiment ce style et sont très proches de tous les groupes... Le public est fier de ses groupes sudistes et généralement, un groupe devient connu très très vite...
J'ai eu l'occasion de boire un verre dans un de ces bars musicaux au Texas avec Chris Robertson du groupe Black Stone Cherry et là, j'ai découvert un vrai musicien...
Phil Mezcal
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